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Un consentement numérique peut-il être « libre et éclairé » ?

Le patient donnera-t-il demain un consentement « libre et éclairé » s’il passe par un outil numérique ? Aura-t-il bien compris les informations proposées ? Aura-t-il pris le temps de réfléchir avant de signer ? Comment le médecin prouvera-t-il que tout a été fait dans les règles ? Des questions que la chaire Public Trust in Health explorera ces prochains mois lors d’une large étude.

Le recueil du consentement s’effectue aujourd’hui sur papier. Quels avantages à passer sur des outils numériques ?

Charles-Clemens Rüling : le numérique permettrait à la fois d’informer plus largement le patient en multipliant les supports – textes, schémas, vidéos, etc. – et d’assurer une traçabilité dont le médecin a besoin en termes de responsabilité juridique. Autre atout, la possibilité de gérer un consentement « dynamique », c’est-à-dire des choix successifs tout au long d’un parcours de soins de longue durée. Le patient pourrait s’y référer s’il veut avoir une vue d’ensemble ou éclairer une décision à venir.

À l’inverse, quelles difficultés anticipez-vous ?

CCR : tous les patients n’ont pas accès aux outils numériques et tous ne les maîtrisent pas. Or, il s’agit de prendre position sur leur santé et leur intégrité physique ! Par ailleurs, les innombrables formulaires relatifs aux cookies nous poussent à banaliser nos choix numériques. On clique par habitude, par lassitude, pour gagner du temps, sans réfléchir. Si nous faisons de même pour une intervention qui engage notre pronostic vital, le consentement sera vidé de son sens.

À vous entendre, peu d’arguments militent en faveur du consentement numérique…

CCR : Mais le consentement sur papier, lui aussi, est très imparfait ! Des études menées aux États-Unis autour d’essais cliniques ont montré que plus de 50% des participants n’avaient pas compris qu’ils pouvaient arrêter à tout moment, ou que l’essai était randomisé, donc qu’ils recevaient peut-être un placebo. Avec une information par voie numérique, ce chiffre diminuait un peu, mais restait très élevé.

Il y a un écart considérable entre l’idéal juridique du consentement « libre et éclairé » et la réalité. D’où l’intérêt d’évaluer le potentiel des outils numériques, avec leurs forces et leurs faiblesses : ne nous fermons aucune porte.

Quelles pistes voulez-vous creuser pour rendre ce consentement plus solide ?

CCR : Je suis frappé par le faible nombre de travaux de recherche consacrés au sens que les médecins lui donnent. Informer sur un acte médical, c’est parler bien sûr de ses bénéfices attendus, mais aussi des risques, des zones d’incertitude, des alternatives thérapeutiques ; sont-ils prêts à le faire et à fissurer leur image d’experts et de « sachants » ? Quel temps acceptent-ils d’y consacrer ? Comment gèrent-ils les patients qui ont fait des heures de recherches sur internet et arrivent pleins de convictions pas toujours fondées ?

Les enjeux du consentement dépassent donc largement le respect de la loi…

CCR : Le consentement est une obligation légale, et c’est ce qui fait l’intérêt des outils numériques pour tracer l’identité du patient, la démarche d’information, le recueil de l’accord et la date de sa signature.

Mais c’est aussi un acte fondateur de la relation de confiance entre patient et médecin, où se jouent des mécanismes très subtils. Imaginons un gynécologue qui annonce à de futurs parents que le fœtus est atteint d’une grave malformation. Faut-il pratiquer une interruption médicale de grossesse pour lui éviter une vie de souffrances ? Ou le laisser naître au nom du respect de la vie ? Comment évoquer ces deux scénarios sur un pied d’égalité ? Le médecin sera-t-il capable de ne pas y plaquer ses propres valeurs ?

À l’inverse des États-Unis, où le consentement relève d’une logique purement contractuelle, il s’inscrit chez nous dans la protection des droits fondamentaux de la personne. C’est ce qui en fait la richesse… et la difficulté.

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